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Asile: faire une place aux médecins

ÉDITORIAL. A Genève, le suicide d’un jeune Afghan de 19 ans fragile psychologiquement a récemment mis en évidence le manque de considération des rapports médicaux dans les procédures d’asile. Un sursaut d’humanité est nécessaire

Au Centre fédéral d’asile d’Embrach (ZH), août 2020 (image d’illustration). — © CHRISTIAN BEUTLER / KEYSTONE
Au Centre fédéral d’asile d’Embrach (ZH), août 2020 (image d’illustration). — © CHRISTIAN BEUTLER / KEYSTONE

Le suicide d’Alireza en décembre dernier à Genève a mis en lumière des failles au sein du système d’asile suisse. Parmi elles, le manque de sensibilité de l’administration fédérale face à la détresse mentale des jeunes requérants d’asile, même quand celle-ci est formellement documentée par des rapports médicaux. Comment un jeune Afghan à peine majeur et bien intégré peut-il être renvoyé dans le pays où il a vécu des traumatismes – la Grèce – sous prétexte qu’il y bénéficie d’un «statut de protection»? Dans les cantons romands, les médecins au contact de cette population particulièrement vulnérable s’interrogent et disent leur impuissance.

Garantir un suivi psychologique de qualité

Même si, en théorie, la santé mentale fait partie des éléments examinés par le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) lors des demandes d’asile, dans les faits, les rapports médicaux n’ont que peu de poids dans les décisions prises par l’administration, qui juge sur dossier, sans avoir vu le jeune. Bien souvent, la Suisse se contente d’observer si le suivi des soins pourra être assuré dans le pays de renvoi, ce qui, sur le papier, est très souvent le cas, mais se révèle très hypothétique dans la réalité.

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Face à cette logique qui occulte une part importante du problème, les médecins revendiquent, à raison, une réelle prise en considération de leur expertise au sein du système d’asile. Cela ne signifie bien entendu pas ouvrir la voie à une forme de chantage au suicide comme le craignent déjà certains, n’hésitant pas à mettre en doute l’éthique médicale.

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Avant de recevoir une décision définitive, les requérants peuvent passer des années dans notre pays, où des efforts d’intégration importants sont, légitimement, attendus de leur part. Dans un contexte de hausses massives des arrivées, l’accompagnement psychologique de ceux qui en ont besoin ne doit pas être négligé comme c’est aujourd’hui le cas dans les centres d’asile fédéraux, où les visites médicales sont parfois bâclées. Sous peine de créer des bombes à retardement et de saper les efforts fournis par la suite par le personnel soignant.

Elisabeth Baume-Schneider attendue au tournant

A Berne, le dossier de l’asile est désormais entre les mains de la socialiste Elisabeth Baume-Schneider, qui fait ses premiers pas. En dépit du cadre légal existant, elle bénéficie d’une certaine marge de manœuvre pour donner des lignes directrices au SEM et pourrait faire preuve d’une sensibilité plus grande que sa prédécesseure, la PLR Karin Keller-Sutter. Dans le milieu médical comme associatif, les attentes sont en tout cas fortes pour insuffler à la politique migratoire suisse une dose d’humanité.

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